Arrivée d'un homme libre et sauvage, Hartwig

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« Naître, c’est à la portée de tout le monde ! Mais il faut devenir ensuite ! Devenir ! » (Daniel Pennac)

N’importe quel poète amateur ou voyageur en proie à la mythomanie décrit une nuit passée au cœur de la campagne comme une expérience aussi mirifique que délicieuse. Il ne manque pas de détailler l’éveil de ses sens dans une nature mystérieuse et captivante, n’oublie pas de flatter le sentiment d’osmose éprouvé au contact des herbes frétillantes et du soleil qui au réveil vient caresser la peau. Cependant, Hartwig, homme affreusement cartésien et peu sensible à l’utopie ne partage pas cette vision des choses. Bien qu’il nourrisse pour cet univers une profonde admiration et un franc respect.

Les conditions de ceux qui y vivent sont inconfortables, éprouvantes et dangereuses. Le cri du vent accompagne les songes des dormeurs, le froid enveloppe les os des rêveurs et les bestioles et insectes en tout genre visitent la peau des ronfleurs. Aussi, mieux vaut garder la bouche close si on ne veut accueillir de nouveaux logeurs.

Si le jeune homme avait décidé de se retirer dans cet enfer naturel, c’était pour ignorer les dernières années enfermées dans les prisons de Bourgogne où il avait oublié ce qu’étaient air et lumière. Et ne voulant essuyer les regards méprisants des uns, les préjugés des autres, il s’était refusé de vivre dans une ville. Mais la solitude commençait à devenir pesante et à l’amener sur le chemin de la névrose.

Aussi, la lettre qu’il avait reçue de cette inconnue qui lui ouvrait une nouvelle porte était pour lui salvatrice. Il voulait se détacher de ce passé détestable et savourer sans plus aucune honte sa liberté. Il était prêt à travailler dur pour mériter cette sérénité.

Comme convenu, il se présenta à la Baronnie d'Arzillière. Tenue sobre mais propre et soignée. Seules sa chevelure vagabonde et sa barbe naissante trahissaient le caractère sauvage de l’homme. Sur son épaule, une besace, qu’il laissa lourdement tomber à ses pieds à son arrivée. Il apprécia d’un regard inquisiteur le garde positionné à l’entrée de la propriété. Par principe il ne l’aimait pas, son expérience de prisonnier lui ayant appris la méfiance. Mais il ne chercha pas à le provoquer, se retint de le traiter de pot de fleur écervelé seulement capable de surveiller une grille pourtant fermée. Il lui dit sobrement :

Hartwig, on m’attend.

Messages : 7 Date d'inscription : 12/03/2012 Age : 26

C'est limite s'il ne ronflait pas, appuyé sur sa lance bien plantée dans le sol, devant la grille du château. Malgré le froid de cette période de l'année, il était bien emmitouflé, donc il avait chaud, si ce n'était le visage et les oreilles. Donc, à s'emmieller à ce point, il somnolait.
Jehan assurait aussi des tours de garde, en effet. Il était en fait un peu comme un page: il faisait office de serviteur, de garde, de palefrenier...sauf que lui ne voulait pas devenir chevalier. Bon, les chevaliers, c'était sympa dans les contes avec les princesses, mais il savait que de nos jours, les princesses épousaient davantage des nobles de haute lignée pour leurs écus et leurs terres, et que les chevaliers se mettaient sur la tronche à la première occasion en criant "c'est moi le plus fort", sans chercher en fait la Justice. Donc, non, il n'avait aucun motif de devenir chevalier. Sa situation tenait plus au fait qu'il n'était mauvais en rien mais bon en tout, et qu'on ne savait pas encore trop quoi faire de lui dans la maisonnée. Pensez, il était censé être le neveu d'un vieux grognon râleur, mais il était joyeux et malicieux -et parfois franchement enquiquinant; alors les gens du domaine, sans ledit râleur pour témoigner, ne savaient trop quoi lui confier. Surtout que l'adolescent déjà semblable à un adulte, n'étaient sa bouille ronde et ses énormes billes à la place des yeux, n'avait pas annoncé vouloir rester: pour l'heure, il "attendait que tonton revienne", et disait ne pas savoir ce qu'il ferait après.
Donc, on lui refilait souvent le boulot d'un page, dont la garde devant les portes. Il les jouait aux dés, ses gardes, pour déterminer les heures: et comme il savait...hum...disons, "forcer la chance" dans ce genre de jeu de "hasard", il réussissait souvent à décrocher les tours en début de matinée ou d'après-midi, ce qui lui permettait de continuer un peu sa nuit ou de faire une petite sieste.

C'est pour cela que le garde de six pieds de haut qui montait la garde d'une façon plus que nonchalante, ce jour-là, ben c'était lui. La seule chose qui le tenait éveillé, c'était son estomac qui gargouillait déjà à l'idée du prochain repas. Aussi il ne pu que sursauter en entendant brusquement une voix:

- Hartwig, on m’attend.
- Heiiiiin ???

Il s'ébroua, un peu comme un chiot, et fixa les yeux sur le nouveau venu, pour le moins surpris de voir quelqu'un. Rêveur et somnolent, il s'était absorbé dans une contemplation brumeuse des champs champenois en face de son poste de garde.

- Ah, euhhhh...

Rectifiant un peu sa position, il se mit très légèrement en garde. De par son passé, il savait adopter malgré son jeune âge des postures défensives, mais savait aussi, instinctivement, à quel degré l'adopter: en l'occurrence, à moitié somnolent et à découvert, si cet "Hartwig" n'était pas un invité, il aurait aisément pu l'assommer -ou pire- et pénétrer dans le domaine. Donc, a priori, ce gars-là n'était pas dangereux.
Le garçon dévisagea le jeune homme tout en clignant des yeux pour y voir plus clair. Chevelure en laisser-aller -comme Jehan, il y avait encore quelques mois-, barbe naissante, mais bien froqué. Drôle de mélange. D'autant que ses yeux semblaient traduire un caractère de dangerosité de l'étranger.

"Alors...je lui dis de dégager pour reprendre ma sieste, ou je l'emmène à la demeure pour savoir de quoi il retourne ?"

La sécurité du domaine, tu parles qu'il s'en fout un peu, ce gosse !!! Seule sa curiosité à jamais insatiable l'empêchait de renvoyer tout de suite Hartwig.
Mais heureusement pour ce dernier, ses yeux attirèrent à nouveau l'attention de Jehan. Un regard qui semblaient trahir une partie des émotions contenues dans le regard de la vieille armoire à glace...
Ce point commun suffit à convaincre le jeune garde. Il sortit la lourde clef pendue à son cou par une petite corde, et, la faisant jouer dans la serrure des grilles, ouvrit l'un des battants.

- Si vous voulez bien me suivre, messire.

Ça, au moins, il l'avait retenu de Valafein: quand on doute du statut de la personne, rester très poli et dire "messire" ou "dame" -ou "damoiselle" pour celles qu'on avait en vu...non, je déconne ! ...Ou était-ce Ademar qui lui avait apprit ça ? Bon, tant pis.

Jehan laissa passer Hartwig, puis referma rapidement le portail, avant de se rendre jusqu'au château en menant le visiteur. il le fit entrer dans la grande bâtisse, et confia à un garde qui y était la charge de repartir au pas de course, avec la lance, jusqu'au portail pour l'y remplacer. Puis, rapidement, il précéda Harwig dans la demeure jusqu'à une porte, à laquelle il toqua; il attendit alors quelques secondes, puis l'ouvrit, ne passant que la tête pour parler à la personne censée être dans la pièce:

- Messire l'Intendant ? Un homme du nom de Hartwig, qui dit être attendu, est ici.

Intendant Messages : 94 Date d'inscription : 16/08/2011

Suite à l'appel de Jehan, un serviteur vint les accueillir. Il dévisagea Hartwig des pieds à la tête avant de lui faire signe de le suivre.

L'intendant, messire Valafein, se trouve au petit salon. [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]

Invité

Hartwig observait le jeune homme d’un air impassible que seul un semblant de sérieux transcendait. Sachant cultiver le mystère et ne se dévoilant que très peu, il portait l’habit d’intouchable non sans aise. Car peu osait le provoquer, son regard froid s’insinuant dans les pupilles de ces potentiels adversaires comme une lame finement acérée. Néanmoins, pour ne pas paraître résolument indifférent ou même odieusement méprisant, il s’efforça d’adresser un léger sourire au jeune homme qu’il tutoya naturellement.

Je te suis.

Il le suivit à travers la propriété d’un pas assuré. Ses yeux s’égarèrent sur la nature d’un automne désolé lorsqu’ils longèrent les jardins. Tout était correctement entretenu, ce qui ne put que ravir le Ténébreux qui savait apprécier l’ordre et la rigueur. Il leva alors la tête pour apprécier le château qui se dressait avec majesté sous un ciel fatigué. Mais il n’eut pas le temps de le contempler d’avantage que Jehan avait déjà franchi les portes de la bâtisse.

Ils s’arrêtèrent finalement devant une porte et un domestique se chargea de mener Hartwig chez l’intendant. Quelques paroles volatiles furent adressées à l'adolescent :

Je te remercie jeune homme, à bientôt sûrement.

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