La louve et son louveteau au domaine...

Javyan observait l'homme avec attention, son regard mystérieux semblant chercher à le transpercer de toute part. La crainte s'était lue un bref instant sur son visage puis alors qu'il portait son attention sur la jeune femme, elle vit la pitié et la compassion... sentiments qui se lisaient bien souvent dans le regard des gens la croisant ou s'imaginant connaitre sa vie... elle ne se démonta pas... elle était habituée et pourtant ce choix de vie, elle l'avait fait des années auparavant et au fond d'elle-même, elle en était fière.

Certes elle était bien pauvre, ayant l'air d'une souillon n'y connaissant rien aux manières de la société, mais elle était très belle, de long cheveux noirs ondulés encadrant son visage, un regard noir où ceux s'y perdant n'en ressortent pas indemnes, un petit corps fin et délicat... ses vêtements ne payaient pas de mine et pourtant elle était tisserande et s'amusait, chaque bout de tissus trouvé, à l'assembler à sa robe pour former un original amas de tissus dansant et voletant. Et son attitude était loin de celle d'une mendiante, elle ne cherchait pas l'aumône, ne cherchait pas la pitié...

Elle pencha doucement la tête sur le côté telle une enfant, lorsque l'homme lui réclama la lettre. Un nouveau sourire gagna son visage, d'amusement surtout face à la méfiance de l'homme vis à vis de la louve... d'évidence il ne s'approcherait pas plus, d'évidence lui non plus, comme beaucoup d'autres, n'y connaissait rien aux loups... d'évidence elle lui faisait peur bien qu'il cacha aussi profondément que possible une peur quelconque... Mais elle sentait ces choses là... Il voulait voir la lettre... Et elle était plutôt embêtée à la lui montrer...

...'sont guère des choses qui vous r'gardent savez... Valafein m'annonce son départ pour la Gasconne avec dame Lylla sa maîtresse pour l'accompagner à son mariage enfin si j'me souviens... il me prévient que je suis la bienvenue ici en cas de souci et qu'il espère être là avant mon accouchement...

'viens seulement de recevoir la dite lettre... perdue en ch'min j'imagine... 'suis sa compagne...

Enfin elle l'était la dernière fois qu'ils s'étaient vu... plus habituée aux réactions de la nature et des animaux, les hommes demeuraient un réel mystère pour elle... heu, tout comme les femmes d'ailleurs. Elle ne comprendrait jamais la manière d'agir de certains ou certaines...

Son visage ne se départissait plus de son sourire, face à la dernière question de l'homme... et c'est avec douceur qu'elle s'accroupit et glissa ses mains dans les poils de la bête près d'elle... la louve, enfouissant sa truffe dans son écharpe, alla chatouiller le visage du bébé puis le lècher avec tendresse...

...non... 'm'appartient pas... ça s'rait plutôt l'inverse en fait... mais... Elle haussa imperceptiblement les épaules ...devriez guère avoir peur... c't'elle qui a peur... si vous faites rien... 'vous embêt'ra pas...

Elle se redressa pour contempler l'homme d'un air tranquille...

'sais guère c'que j'fais là en fait... m'enfin, j'suis là...

Après être allée donner les épluchures de la journée au bête, la gouvernante regagnait le logis en passant par la loge des gardes histoire de voir si le Thybalt serait pas en train de vider un godet avec eux et s'en faire offrir un, quand un curieux ménage l'accueillit et lui fit dresser les poils sur la nuque.
L'Ademar et une fille se tenaient à l'entrée du domaine. Bah il allait entendre parler du pays le voyou de ramener une donzelle à Arzillière et sans rien lui dire en plus. Pfff quelle jeunesse ! Son seau vide à la main, elle avança sans bruit dans le dos du garçon, curieuse comme une pie et l'oreille à l'affut de tout ce qu'elle pourrait apprendre.

Sauf que voilà, curiosité mal placée peut être, mais en tout cas, ce qu'elle capta n'avait rien à voir avec ce que la Louison avait imaginé, oh que non ! La petite jeune fille qui se tenait devant le garde tenait un discours des plus édifiant, et l'échange était riche d'enseignement autant qu'allait l'être la suite pour le pauvre gars.
Louison sentait une étrange chaleur l'envahir, tandis que les informations tentaient de s'assembler dans son esprit. Elle connaissait cette drolesse, son visage lui rappelait quelque chose, mais encore fallait il savoir quoi. En tout cas, elle la laisserait pas partir seule... enfin façon de dire hein dans la forêt.

HEP !!!! Attendez ma fille !

Faut dire qu'elle était tellement habitué à être écouté à Arzillière depuis que l'espaniche avait suivit la troupe que Louison ne douta pas un instant que la demoiselle stopperait sa progression et profitant de la surprise générale alla se planter devant Ademar.

La Louison elle est là figures toi et heureusement pas dans la cuisine mon garçon ! J'vois que la maîtresse t'as pas tout dit, alors je vais m'en charger. Elle tentait prendre un ton moralisateur, mais les yeux du gamin la faisait fondre.... Tu t'rappelles ce qu'a dit la patronne concernant l'accueil à Arzillière ? Elle attendit une réponse sans vraiment le faire puisqu'elle enchaina Ben cela va aussi pour les loups. Faut savoir que celui de Madame a disparu y'a bien longtemps mais que ces animaux là sont les bienvenus ici, d'autant plus quand ils accompagnent une jeune mère !

Jeune mère ! Mais bien sur c'était ça !!!!!! Valafein, la drolesse était la compagne de l'espaniche et le petiot qu'elle serait contre elle.... ben ça devait être leur gosse pardi ! Que la lumière soit et la lumière fut !

Se retournant vers la jeune femme, le regard et la voix bien plus douce.

Revenez Dame, n'ayez pas peur, il sera pas fait de mal à vot'bête. Tenez là juste à l'écart des écuries, une jument va bientôt pouliner faudrait pas qu'elle ai peur. Si je me trompe pas vous devez être de Compiègne ? Il m'a semblait voir reconnaitre quand vous avez parler de l'Intendant... Enfin de Messire Valafein.

Son regard allait de la jeune femme à Ademar à qui elle colla son seau vide dans les bras.

Tiens va donc demander à Thybalt de traire Pâquerette, nous allons avoir besoin de lait, et attends toi à te faire frotter les oreilles par ton chef ! Enfermer un loup pfff c'est le monde à l'envers, sont ailleurs va les sales bêtes dans ce pays. La gouvernante secouait la tête à songeant à quelques personnes qu'elle aurait bien voulu voir enfermé pour avoir blessé sa blonde maitresse. Allez ouste remue toi mon gars, me regarde pas comme ça sinon ce soir t'aura qu'une croute et un verre d'eau !

Quiconque connaissait un minimum la Louison savait qu'elle serait bien incapable d'en arriver à de telles extrémités. Grande gueule mais grand coeur comme le disait si bien son époux.

Allez venez ma belle, y'a un bon feu dans la [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] une bonne tarte qui finit de cuire et la chambre de votre.... Merdum ! v'la qu'elle savait pas si l'intendant avait convoler en juste noce ! Bon pas grave, elle allait improviser ! Et une chambre bien chaude pour vous et le petit si vous voulez. Coup d'oeil à l'animal qui ne quittait pas la jeune femme. Et toi si tu chaparde pas dans ma cuisine, t'auras droit à une bonne gamelle aussi.

Ben quoi ? Pas un loup qui allait faire peur à la Louison namého !

Javyan s'était déjà pas mal éloignée lorsqu'elle entendit une voix douce mais plutôt autoritaire, féminine l'appeler. Enfin elle supposait que c'était elle qu'on appelait. "Hep, attendez ma fille..."... bah ça devait être pour elle. Elle se retourna donc pour voir une jeune femme aux côtés du gardien qui lui faisait signe de revenir. Penchant sa tête sur le côté comme une enfant qui ne comprend guère, elle demuera plantée sur ses deux pieds, la louve auprès d'elle qui observait tour à tour le manège là-bas et le visage de Javyan. Il semblait que le pauvre homme n'en menait guère large bien qu'elles soient incapable d'entendre toutes les bribes de la conversation...

Continuer sa route? Y retourner? Au fond, que gagnerait-elle à aller là-bas? Un soupire léger s'échappa de sa bouche... elle ne savait plus à qui se fier. Valafein avait depuis si longtemps disparu de sa vie sans qu'elle reçoive de ses nouvelles... sans qu'elle sache où en demander... Au fil des mois Compiègne lui était devenue comme une ville étrangère, ses amis disparaissant sans donner de nouvelles ou bien préférant ne plus lui parler... un lieu où sa place n'avait plus lieu d'être... elle ne savait même plus si elle y avait un jour eu sa place. Dans ce monde où les hommes ne s'écoutent pas entre eux et où la nature n'est là que pour leur propre profit, qui était-elle vraiment? Elle avait fini par croire qu'il était certainement mieux de s'en retourner à sa vie d'avant, que Valafein l'avait oubliée, qu'il avait préféré éloigner le plus possible cette petite femme et son bébé, qu'elle n'était au fond qu'une erreur pour lui... des mois à attendre... des mois à avoir mal sans le montrer... des mois seule à porter et à aimer chaque seconde un peu plus le petit être qui grandissait au fond d'elle... et lorsque, seule, elle l'avait mis au monde, elle avait été certaine de l'aimer tout au long de sa vie parce qu'il ressemblait tellement à Val'.

Elle était demeuré forte jusque là parce qu'elle ne pouvait pas faiblir. Elle n'avaitjamais pu faiblir, elle ne le voulait pas.. au début de sa vie, pour sa famille puis pour la meute, maintenant pour son bébé... elle serait toujours forte! Elle acceptait sans qu'aucune haine ne vienne entacher son coeur, le regard des autres et le tournant qu'avait pris sa vie...

Mais voilà qu'une lettre était arrivée... avec tant de retard... elle ne l'attendait plus... elle avait cru défaillir en la lisant. Il lui proposait de venir l'attendre ou le rejoindre au domaine d'Arzillières. Est-ce qu'il savait vraiment ce qu'il lui demandait? Un domaine... elle qui avait déjà du mal à demeurer plus d'une heure enfermée dans une maison... mais après de longs tremblements, de longues hésitations, un long questionnement, elle était venue... elle était là. Elle était là parce qu'elle l'aimait de tout son coeur, elle n'avait jamais cessé de l'aimer... seulement cessé d'avoir l'espoir de le revoir ou d'avoir de ses nouvelles. Cette lettre l'avait bouleversée au plus haut point... et la bouleversait encore...

La jeune femme près de la grille la fit sortir de ses pensées brumeuses dans lesquelles elle avait plongé... elle lui enjoignait de l'accompagner... Le bébé contre elle c'était mis à pleurer comme s'il avait entendu chacune de ses pensées et ressenti la détresse dans laquelle elle avait été. Elle le berça avec tendresse, caressant sa petite tête déjà brune de cheveux... Puis par amour pour Val' et parce qu'elle ne voulait pas que son fils vive sans père, elle répondit aux gestes de Louison et la rejoignit, suivie de près par la belle louve au poil poivre et sel. Et c'est en continuant comme elle savait si bien le faire à cacher tout bouleversement et tout trouble au plus profond d'elle-même, qu'elle entra dans le domaine... Mais elle ne manqua cependant pas de s'arrêter auprès du gardien pour le regarder d'un air calme, la louve faisant de même. Elle lui murmura...

...'savez bien des légendes sont prêtées aux loups... mais... que sont les légendes à part... des légendes? Une louve ou un loup ne mangent pas d'homme et ne tuent pas d'homme et encore moins une femme ou un enfant... un loup ne tue que lorsqu'il est en situation désespérée ou lorsque l'on menace son petit...

Faites plutôt attention aux chiens errants...

Pour les poules, je vous promet de lui demander de ne pas y toucher ainsi que pour les moutons, chèvres... du moins, dans le domaine.

Puis elle s'inclina doucement, un sourire doux aux lèvres, avant de suivre la jeune femme qui parlait beaucoup...

D'évidence elle aimait ça, parler... et Javyan sourit avec douceur en l'écoutant tout en la suivant... la laissant avoir le monopole de la conversation. De toute façon, elle semblait presque savoir faire les questions et les réponses toute seule. Le petit, la tête posée contre son sein, semblait écouté, les yeux grands ouverts, apaisé...

Non mais c'est qu'il avait du répondant le gringalet ! Les yeux de la Louison étincelaient de fierté s'opposant à sa mine revêche. Pour rien au monde elle n'aurait montré qu'elle avait pris l'Ademar sous son aile de mère poule, c'est qu'elle avait sa fierté et un statut à tenir. Et ici après Dame Lylla, c'était elle qui régentait le domaine. Héhé, bien ce petit très bien la Dame ne s'était pas trompée en le prenant à son service, il lui restait encore bien des ti trucs à apprendre mais y pigerait vite elle en mettrait ses mains au feu.

Notre Dame elle montre ce qu'elle veut et des ours sa ça lui chante, ça ne te regarde pas. Quand à mon travail l'est bien fait suffit de voir ta trogne pour en être convaincu. Bon certes ce n'était pas que grâce à sa cuisine que le gringalet s'étoffait jour après jour, ses propres exercices y étaient surement pour beaucoup, tout comme la générosité de leur patronne qui logeait et équipait ses gens de la meilleure façon et sans regarder à la dépense, mais ça, l'inquisition elle même le lui aurait pas fait dire.... uniquement Madame.
C'était une fidèle la Louison, ben vi elle était comme ça, un caractère de cochon pour cacher un océan d'attention.

T'en fais pas pour le loup va, et d'ailleurs si tu regardais mieux tu verrais que c'est une louve déjà, ben vi je les connais ces bestiaux là aussi bien que vous la brune désigna les hommes de garde du menton. Et sache que sans eux cette fois ce fut l'animal la cible du menton tendu t'aurais jamais vu la couleur d'Arzillière, la Baronne doit la vie à l'un deux. La voix s'était miraculeusement radoucie à cette évocation de même que le regard. J'te conterais ça au coin du feu si ça te dit la gouvernant se secoua, ne pas se laisser attendrir, la petiote et son petitou devait avoir besoin d'elle, et ça elle aimait la Louison, être utile, pouvoir aider les autres c'était du pain béni pour elle.

Allez venez, vous laissez pas impressionner par le normand, pi vous avez raison, les légendes ne sont que des légendes, Thybalt mon époux en connait des tonnes, pourrait en raconter toute la nuit Bon encore faudrait il que sa femme lui en laisse placer une, mais ça c'est une autre histoire. Au fait moi c'est Louison, et votre p'tit nom à vous c'est quoi ? Et votre petiot il a quel âge ? Puis s'adressant à la louve d'un ton bien plus bas en secouant son index comme devant un petit enfant. Toi soit sage hein me fait pas mentir sinon l'autre la bas il va me hurler dessus. Puis sautant toujours du coq à l'âne, tandis que leur petit groupe s'éloignait, la brune lança une dernière pique par dessus son épaule en souriant de plaisir.

Et n'oublie pas le lait Ademar ! Non mais c'était qui le chef.

Son instinct maternel lui aurait bien fait prendre le bras de la petite mère, mais elle se retint comme si elle sentait que celle ci faisait partie des fleurs qui avaient besoin de grand air pour s'épanouir, alors sur le chemin de la cuisine, elle lui céda enfin la parole à sa façon, elle finit par se taire, fait assez exceptionnel que seul Lupus était arrivé à obtenir jusqu'à présent,


[suite dans la cuisine si vous le voulez bien ^^ Post : Qui a dit que la vie est un long fleuve tranquille]